Quantcast
Channel: Une Année en France » Formation
Viewing all articles
Browse latest Browse all 6

A Créteil, les emplois d’avenir, « ça se passe pépère »

0
0

Survêtement ample et écouteurs autour du cou, Ryan (les prénoms des stagiaires ont été changés) témoigne: "Mon emploi d’avenir, ça se passe pépère", lâche-t-il en triturant son smartphone. A ses côtés, vendredi 26 avril, entre les murs du centre de formation de Créteil, se tiennent sagement quatorze jeunes en "emploi d’avenir", réunis à l’occasion d’un stage de sensibilisation au fonctionnement des collectivités territoriales.

Embauchés par la ville et l’agglomération de Plaine centrale, ces jeunes de 18 à 26 ans font un bilan d’étape de leur première expérience au sein d’une administration locale. Employés d’entretien, électriciens, assistantes maternelles, cantonniers, tous s’accordent sur un point: 1150 euros qui tombent chaque mois, ce n’est pas l’Amérique, mais, après des mois de chômage, ça change la vie.

"Ils ont été triés sur le volet", avance Jean-Pierre Morel, leur formateur pour le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Certains ont un CAP, mais la majorité sont sortis de l’école sans diplôme. "La fonction publique territoriale peut être une seconde chance", leur promet M. Morel. La plupart des stagiaires ont laissé leur CV à la mission locale pour l’emploi, qui les a redirigés vers leur futur employeur. Pour d’autres, le chemin vers un contrat d’avenir a été plus simple: "Mon père travaille pour la ville", glisse Amanda, 26 ans.

Le manuel de sensibilisation à la fonction publique territoriale distribué aux stagiaires. DR

Fatima, dont la mère travaille également à l’hôtel de ville, est agent de service dans une école. "Une première marche", pour la jeune femme qui attend de ce CDD d’un an de l’expérience, des formations qualifiantes et une embauche définitive. Idem pour Khadija et Leila, qui se rêvent en auxiliaires puéricultrices. Leurs directrices respectives leur auraient laissé entrevoir un avenir au sein de leurs écoles. "Nous apprenons la ponctualité et le travail d’équipe", s’accordent les jeunes femmes, enthousiastes. Samir, 18 ans, cantonnier et sans diplôme, s’interroge sur la pertinence de son parcours et sur un éventuel retour dans le cycle scolaire. "Tu ne pourras pas. Toucher un salaire, c’est addictif, l’avertit Julien, 26 ans. Quand tu as commencé à gagner de l’argent, tu ne peux pas retourner à l’école."

"Le problème, c’est la précarité du contrat"

Un contrat d’avenir, c’est un pied dans la vie active, mais "il faudra encore attendre trois ans pour avoir une chance d’y mettre les deux", compte Boualem. Ces contrats d’un an sont renouvelables deux fois. "Le problème, c’est la précarité du contrat", souligne Denis, 26 ans, qui déplore qu’"avec un CDD d’un an renouvelable, il est impossible d’obtenir un logement". Khadija renchérit: "Après deux renouvellements de contrat, ils peuvent nous virer." Pour l’instant, ces contrats ne coûtent pas cher aux collectivités, 75% du salaire étant pris en charge par l’Etat. "Mais après?", s’inquiète Denis.

Ce premier contrat avec la mairie ou l’agglomération est une chance d’intégrer l’institution, et, en période de crise, un poste de fonctionnaire fait rêver. "La fonction publique territoriale est un formidable gisement d’emplois", assure le formateur à ses élèves. Avec en moyenne un agent pour quarante habitants, l’administration territoriale est souvent, dans les petites villes, le principal employeur.

Salle de classe du centre de formation de la ville de Créteil. DR

Pour ceux qui ont déjà connu plusieurs années de précarité, enchaînant intérim et CDD, "la mairie, c’est la planque", témoigne Julien. "Bosser ici, c’est 8h30-16h30. Et pour l’avenir, l’assurance que tu ne feras que monter. C’est confort", poursuit Boualem.

Johan, technicien, a perdu son emploi en septembre2012. Il se félicite aussi de la tranquillité de son nouveau poste : "L’intensité du travail en mairie n’a rien à voir avec le secteur privé où il faut charbonner." Sur la faiblesse du salaire, Denis relativise : "Pour mon dernier employeur privé, il m’est arrivé de bosser jusqu’à 2heures du matin sans avoir autre chose que le salaire minimum. A la mairie, il n’y a jamais de surprise. Ni au niveau du temps de travail, ni au niveau de la rémunération. On nous interdit même de faire des heures supplémentaires!", regrette-t-il.

"Nous, on fait le boulot"

Selon les stagiaires, le rythme est dicté par l’encadrement: "On y va doucement, en suivant les conseils de nos formateurs. Mais même si les titulaires glandent, nous, on fait le boulot. Nous sommes en CDD, nous savons que nous avons une épée de Damoclès sur la tête", souligne Julien.

"Les cadences ne sont pas les mêmes entre le secteur privé et le service public, qui n’est pas soumis au principe de rentabilité", rappelle le formateur. Le message est bien passé. Mais tous n’ont pas été conquis. "Après avoir multiplié les missions de seulement quelques mois, j’ai signé ce contrat pour avoir un an de salaire, mais je ne veux pas être fonctionnaire, tempère Astrid, 18 ans, pâtissière. Je veux faire autre chose de ma vie."

Eric Nunès


Viewing all articles
Browse latest Browse all 6

Latest Images





Latest Images